VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2014. L'affaire Henri Martin
et le "complot des pigeons"

Vous pouvez télécharger les textes de la conférence (ces textes sont la propriété de Jacques Girault)

Document 1 : La CGT dans le contexte général des années 50
Document 2 : L'Affaire Henri Martin
Document 3 : du "complot des pigeons" au complot tout court !

Compte Rendu, par Alain SERRE

Près de 60 participants ont pris place dans la salle de la Fédération des Œuvres Laïques le vendredi 19 septembre dernier, répondant à l’appel de l’IHS conviant à une conférence sur le thème « de la CGT des années 50, le complot des pigeons, la lutte d’Henri Martin dans le Var et l’actualité de la bataille pour la paix ».

L’historien Jacques Girault présente la première partie en soulignant le contexte du début des années 50 qui voit un syndicalisme CGT dominant hostile au plan Marshall et aux guerres coloniales.
Dans le Var, la CGT à la Libération donne priorité à la » bataille de la production » mais constate en juin 48 le retard pris en raison d’une politique gouvernementale « au service des milliardaires américains ». Depuis la Libération, la CGT dans le Var est un relais du PCF et ses dirigeants soutiennent la stratégie nationale et internationale du PCF.

L’affaire Henri Martin.

Jacques Girault parle ensuite d’Henri Martin qui quitte Toulon pour l’Indochine et assiste au bombardement de Hai Phong en novembre 1945. Il désapprouve la guerre d’Indochine et demande la résiliation de son engagement. De retour à Toulon, en mars 1948, en contact avec la fédération communiste du Var, il rédige des tracts et multiplie les inscriptions « Paix au Vietnam ».
A la suite d’une tentative de sabotage sur le porte –avions « Dixmude », il est dénoncé par son auteur comme étant le chef d’un groupe de marins communistes. Il est arrêté le 14 mars 1950 et affirme ne pas avoir de liens avec le PCF.
André Marty au nom de la direction du PCF, charge le Secours Populaire de suivre le dossier et Jean Bartolini dirige les actions dans le Var. Le procès s’ouvre à Toulon le 17 octobre 1950.
Henri Martin est condamné à cinq ans de prison et à la dégradation militaire pour l’accusation de « démoralisation de l’armée ayant pour but de nuire à la défense nationale», mais acquitté pour l’autre motif de sabotage.
André Marty propose ensuite de transformer la campagne pour la libération d’Henri Martin en action de masse dirigée par le PCF avec la CGT et le Mouvement de la Paix pour s’opposer à la guerre d’Indochine, ce qui va conduire le gouvernement à ouvrir les hostilités avec ces organisations.

Le procès est cassé pour vice de forme le 21 mai 1951, et un nouveau procès le 17 juillet 1951 à Brest confirme le jugement précédent. Henri Martin est incarcéré à la Maison centrale de Melun. La campagne pour sa libération s’amplifie dans toute la France avec le soutien de nombreux intellectuels dont Jean-Paul Sartre.
André Marty sera exclu du PCF fin 1952 mais le Secours Populaire coordonne l’action et Henri Martin sera finalement libéré le 2 août 1953. .

Du « complot des pigeons » au « complot ».

Depuis 1948, la « guerre froide » se développe et le communisme est la force à abattre partout.
L’assemblée Nationale élue en juin 1951 est marquée par un glissement à droite qui conduit à la constitution d’un gouvernement dirigé par Antoine Pinay en mars 1952.
Le général américain Ridgway, accusé d’avoir mené la guerre bactériologique en Corée, devient commandant des forces alliées en Europe et vient à Paris. Le PCF organise une violente contre-manifestation à Paris le 28 mai 1952 et la police arrête Jacques Duclos et trouve des pigeons dans le coffre de sa voiture. Le PCF et la CGT lancent des arrêts de travail le 29 mai 1952 et le « Petit Varois » est saisi. Le lendemain, la Bourse du Travail de Toulon est occupée. Les forces de police interviennent et les militants retiennent dans la Bourse le policier Ziegler. La police investit violemment les locaux et les heurts se poursuivent dans les rues voisines.
Le » complot des pigeons » devient le « complot » qualifié dans un appel du PCF de « complot contre la Démocratie et la Paix ». Des perquisitions continuent dans les sièges des organisations et des responsables, dont Fernand Revest du syndicat CGT de l’arsenal sont arrêtés. Depuis le 23 juin, deux secrétaires fédéraux du PCF, Joseph Bessone et François Golesi et le secrétaire général de l’UD CGT, le communiste André Tourtin, sont appelés à comparaître. Ils rentrent dans la clandestinité et seront inculpés d’ »atteinte à la sureté intérieure de l’Etat » mais finalement se présenteront à la justice le 1er août et seront incarcérés à la prison maritime Saint-Roch.
La chambre des mises en accusation d’Aix- en- Provence décide d’annuler les poursuites et la libération des inculpés sera effective le 10 août 1952. La répression ensuite visera les dirigeants de la CGT dont Alain Le Léap emprisonné le 10 octobre 1952 puis Lucien Molino et André Tollet arrêtés le 23 mars 1953. Benoit Frachon quant à lui entre dans la clandestinité pour échapper à la police.
Dans le Var, Charles Alessi, secrétaire général du syndicat CGT de l’Arsenal ainsi que 160 communistes et syndicalistes sont arrêtés et le maire gaulliste Louis Puy interdit à la CGT l’accès à la Bourse du Travail.
La direction du PCF va accuser sa fédération du Var d’ » activisme et de gauchisme » et fin 1952, après la mise à l’écart d’André Marty, Bartolini responsable de la fédération du Var commence une autocritique. Il sera finalement écarté du comité central en juin 1954. Une nouvelle période commence.

Le témoignage de Marie Brives.

Agée de plus de 90 ans et toujours alerte, Marie a vécu les évènements du 30 mai 1952 dans la Bourse du travail. Sa parole est riche d’enseignements.
Elle rappelle l’ampleur des manifestations dans le Var et la forte implication des militants de la CGT et du Parti Communiste dans la lutte contre le plan Marshall puis pour la libération d’Henri Martin.
Présente à l’intérieur de la Bourse du Travail le 30 mai 1952, elle souligne que tout aurait pu basculer si le policier retenu avait été tué. Non sans humour, elle raconte comment avec son mari Robert Brives, dirigeant CGT des PTT du Var, ils seront parmi les derniers à s’échapper par les toits pendant que la police envahit la Bourse.
Marie reconnaît que cet épisode est gravé dans sa mémoire, et que c’est une des rares fois où elle a eu peur dans sa vie ! Elle raconte ensuite devant un auditoire attentif, les mesures de répression qui ont été prises contre les militants qui ne pouvaient plus rentrer chez eux car attendus par la police et son interrogatoire en tant que comptable du Petit Varois. L’ouverture du coffre du journal par la police en sa présence ne donnera rien et Marie avec un grand sourire, évoque la déception des policiers ! Ces évènements, dit- elle, l ‘ont conforté à poursuivre son engagement militant durant toute sa vie.


Le Débat

De nombreux camarades sont intervenus pour rappeler ce qu’ils ont vécu pendant cette période comme Robert Merle et d’autres ont souligné l’importance des témoignages, de mettre en valeur la notion de résister, et aussi de faire le lien entre le débarquement de Provence , la Résistance, la clandestinité, la lutte du mouvement pour la Paix et la bataille à mener aujourd’hui pour faire vivre les valeurs que nous défendons et les transmettre aux jeunes générations.


L’actualité de la bataille pour la paix.

En guise de conclusion, Alain Serre cite Jean Jaurès : »Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage » et rappelle que la bataille pour la paix est liée à l’histoire de la CGT.
Dès sa fondation, la CGT lutte contre « l’impérialisme fauteur de guerre », mais Léon Jouhaux va soutenir en 1914 le gouvernement d’union nationale alors que de nombreux militants disent : »guerre à la guerre ». En 1925, la CGT –U proclame le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et en 1936, la CGT réunifiée se mobilise contre Franco et le fascisme, condamne la non intervention et engage des initiatives de solidarité avec le peuple espagnol.
Après la guerre, la CGT s’engage contre toutes les guerres coloniales et impérialistes et contribue à l’appel de Stockholm en 1949 contre l’armement nucléaire. Ensuite, contre la guerre d’Algérie puis contre celles du Vietnam, du Liban et d’Afrique.
Depuis les années 90, de nombreux Etats se sont effondrés en Europe sous le joug des politiques du FMI, de l’Union Européenne, et souvent sous la bienveillance de l’ONU. Les guerres se nourrissent des déséquilibres engendrés par l’impérialisme américain, voulant asseoir sa domination politique et économique, et qui favorise la montée des nationalismes et des affrontements confessionnels. La disparition des Etats, c’est la remise en cause de la démocratie et de toutes les conquêtes sociales obtenues par la lutte des classes dans chaque pays.
Les USA veulent installer un nouvel ordre mondial mais les peuples résistent. La CGT sans relâche lutte pour la paix, organise des manifestations et agit aux côtés des peuples opprimés. La révolution ouvrière en Tunisie s’appuie sur la force de l’UGTT, et c’est un enseignement important. La France s’enfonce dans la guerre au Mali, les ventes d’armes prospèrent et les USA développent les guerres contre les peuples au nom de la lutte contre les groupes terroristes qu’ils ont eux-mêmes financés.
Le peuple Palestinien est une fois de plus martyrisé par Israël au compte des intérêts de colons et de l’impérialisme américain. Il faut exiger l’arrêt des bombardements et la levée du blocus de Gaza, et la CGT doit intensifier son engagement dans cette bataille au côté du peuple palestinien.
Jamais une intervention militaire n’a réglé un conflit. Lutter pour la paix, c’est aussi se mobiliser contre la politique de l’Union européenne et pour la défense des conquêtes sociales.










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